La première étoile

Publié le par yaneck Chareyre



Titre: La première étoile
Réalisateur: Lucien Jean-Baptiste
Acteurs: Lucien Jean-Baptiste, Firmine Richard, Anne Consigny, Michel Jonasz, Bernadette Lafont, Jimmy Woha Woha, Ludovic François, Loreyna Colombo, Gilles Benizio...
Scénaristes: Lucien Jean-Baptiste, Marie-Castille Mention-Schaar
Producteurs: Pierre Kubel, Marie-Castille Mention-Schaar

J'avais une certaine réticence, il faut bien le dire, à propos de ce film.
Je suis un anti-communautariste de base, certains diront un républicard, et je craignais fortement que ce film ne marque l'arrivée en France du cinéma "racial" tellement pratiqué aux USA. Eric Naulleau, chez Ruquier, en avait dit le plus grand bien, et c'est ce qui m'a décidé à aller le voir.
Et heureusement, ce film n'est pas du tout sur ce principe. Au contraire, à mon sens, il pousse les "noirs" à sortir de leur communauté, à partager pleinement la culture française avec tout le reste de la société. Et cela, ça me parle pleinement. Dit comme ça, si vous ne savez rien de ce film, vous êtes peut-être en train de vous dire qu'il s'agit là d'un film politique, militant, qui va vous barber. Hé ben non! C'est une comédie, et une comédie qui fonctionne d'autant mieux qu'elle est très riche de fond. Les rires viennent spontanément, et pas sur des sensations de malaise, pour de vraies répliques ou situations drôles.

Pour reprendre le thème du film, Jean-Gabriel est un père vraiment pas à la hauteur. Passant de petit boulot à petit boulot, dilapidant sa maigre paye aux courses, et obligeant ainsi sa femme à voler de la nourriture pour faire vivre la famille. Et en spécialiste des promesses non tenues, il va promettre à ses trois enfants de les amener au ski. Une promesse qu'il va regretter tout de suite, en voyant ses enfants plus qu'heureux, et sa femme au bord de la crise de nerf en le voyant mentir à nouveau à leurs enfants. Il va découvrir combien coûte une semaine aux sports d'hiver, et là, il va regretter d'autant plus sa légèreté. Mais mis au pied du mur par sa femme, à deux doigts de divorcer, il va pourtant réussir à tenir sa promesse, et à emmener ses enfants dans une station de Haute-Savoie.
Attention, ce film, ce n'est pas les ch'tis version noir et blanc. C'est bien plus. Comme je l'ai dit, il y a une véritable réflexion sociale derrière ce film, qui va plus loin que les clichés ou les bons sentiments. Les noirs en prennent pour leur grade, et le réalisateur les pousse à sortir eux-même des dits clichés pour prendre leur véritable et légitime place dans la société. Etonnant de voir les réactions des gens de la cité, lorsque les enfants, le père, disent qu'ils vont partir aux sports d'hiver. La neige, ce n'est pas pour les noirs. C'est pas logique. Mais justement, pourquoi serait-ce illogique que des noirs skient? Et le propos du réalisateur, c'est bien de dire que ces barrières sont en grande partie propres aux noirs eux-même, et qu'il ne tient qu'à eux de les renverser, comme le fait le personnage de Jean-Gabriel. Cela donne par exemple une scène savoureuse dans un salon de coiffure, qui permet en plus de montrer qu'entre "noirs" et "antillais", il n'y a pas forcément unité, contrairement à ce que nous autres blancs pouvons penser.
Cette volonté de montrer la force des valeurs communes, s'exerce de plusieurs manières. J'en retiens deux. Lorsque la petite Manon chante (avec une voix divine), au concours de chant de la station, "que la montagne est belle" de Jean Ferrat; une chanson particulièrement symbolique, de valeurs historiques pour la France, d'un passé plutôt blanc, mais parlant d'exode, de racines coupées, et donc de thèmes parfaitement adaptés à l'histoire des antillais. Et puis, lorsque la grand-mère (une Firmine Richard splendide) chante les chants qu'elle a appris enfant à la gloire de De Gaulle. Peut-on faire plus symbolique de la France, en homme politique moderne, que la figure du général? Quel grand plaisir alors, de confronter ces personnages tout à fait français, à d'autres personnages qui ne les imaginent pas français. Bernadette Lafont est hilarante en montagnarde raciste, et Michel Jonasz, en grand-père frustré et ouvert, est encore mieux.

Il y aurait encore sans doute de nombreuses choses à dire sur ce film. Sur les références glissées subtilement, sur le jeu formidable des acteurs... Mais je préfère m'en tenir là, et garder cette image particulière. Celle d'une comédie qui se paye le luxe d'être riche de fond. Et en ce moment, elles ne sont pas légions dans vos salles obscures. Alors plutôt que de choisir l'insipide et ridicule "Coco", prenez votre ticket pour "La première étoile". Rire et réfléchir, c'est bon pour le cerveau.

Publié dans Comédies

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Je n'ai pas encore eu l'occasion d'aller le voir, mais il a l'air vraiment sympa.
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Y
<br /> Oui, vraiment, je conseille. On ne regrette pas son ticket.<br /> <br /> <br />